Protection sociale complémentaire : un décret en demi-teinte, la CFDT s’engage dans la négociation à venir

Le projet de décret portant sur la protection sociale complémentaire des agents territoriaux a reçu, de justesse, un avis favorable lors du Conseil supérieur du 16 février. Sur le fond, les syndicats dénoncent un calendrier imposé par le gouvernement et des dispositions toujours aussi « indigentes » que les moutures précédentes. En coulisses, les employeurs ont assuré la continuité des négociations après publication du texte.

Le timing souhaité par le gouvernement aura été respecté. À la demande de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, le projet de décret relatif à la couverture minimale des risques santé et prévoyance en matière de PSC dans la fonction publique territoriale a fini, après de nombreux rebondissements, par être examiné pour avis lors du CSFPT du 16 février, dont la séance aura durée près de huit heures … 

Une durée de débats inespérée alors que les syndicats avaient envisagé, un temps, un nouveau boycott de séance comme ce fut le cas lors du CSFP de décembre pour dénoncer la cadence imposée par le cabinet du ministère.

Le projet de texte présenté contenait déjà quelques évolutions notables en comparaison à la première mouture. Il contenait notamment la hausse à hauteur de 7 euros de la participation employeur en prévoyance, la clause de revoyure et la possibilité, pour les employeurs mieux-disants, de maintenir les accords préexistants s’ils sont plus favorables.

Un vote serré
En présence d’Amélie de Montchalin, et après d’âpres discussions et le dépôt de 38 amendements, le texte a finalement reçu le blanc-seing de l’instance avec 20 avis favorables (dont 16 avis favorables du collège employeurs), 10 avis défavorables (CGT, Unsa et FA-FPT) et 5 abstentions (CFDT) dans le collège syndical.

Ce sont les 4 voix « pour » des membres de FO qui ont été déterminantes du côté du collège syndical. « Nous voulions un engagement clair des employeurs avant le passage en Conseil sup’, et nous l’avons obtenu », se félicite Johann Laurency, secrétaire Fédéral FO. Il regrette toutefois que « les choses soient faites à l’envers, et que nous votions un décret pour ensuite aboutir à des négociations ».

Car ce qui a fait pencher la balance, c’est bien la signature, la veille du passage du texte, d’un premier accord de méthode entre les syndicats et les employeurs pour les suites à donner aux pourparlers.

« Dans ce pré-accord, nous avons une certaine marge de manœuvre, notamment sur l’ouverture d’une négociation sur l’indexation des paniers de référence et une ouverture sur le pourcentage de participation sur la prévoyance », fait savoir Johann Laurency.

Les évolutions

Un amendement du gouvernement, intégré de fait au projet de texte, a également rassuré. Ce dernier donne la possibilité de négocier des conditions de participation mieux-disantes dans les collectivités via le cadre des accords collectifs.

« Le présent amendement vise à créer un nouvel article 7 précisant que les négociations locales pourront être engagées afin d’améliorer le contenu des garanties minimales destinées à couvrir les risques santé et prévoyance contenues dans le présent projet de décret », peut-on ainsi lire dans l’exposé des motifs. Un ajout qui renverra notamment à certains articles de la loi de 1983 intégrant la notion de solidarité intergénérationnelle qui ne figure pas dans le projet actuel.

Par ailleurs, une dizaine d’amendements émanant en grande partie du collège employeurs devraient être intégrés dans la version définitive (1) (voir élément en référence).

Parmi les évolutions attendues, la rente au profit des fonctionnaires mis à la retraite pour invalidité passerait de 80% à 90 % alors que les syndicats militaient pour un traitement net de référence de 100%.

Le pourcentage de rémunération garanti sera de 40% concernant les agents fonctionnaires ou contractuels en maladie longue durée : « Les indemnités journalières complémentaires, garantissant une rémunération équivalente à 90% du traitement indiciaire net, de la nouvelle bonification indiciaire nette et du régime indemnitaire net. La part du régime indemnitaire incluse dans le pourcentage de rémunération garanti est de 40% indépendamment des prestations versées par l’employeur et, ou, le régime obligatoire », peut-on lire dans la proposition de rédaction.

De plus, le délai de carence de 60 jours concernant les indemnités journalières pour les temps partiels thérapeutiques est supprimé.

Enfin, une négociation s’engagera dans l’année 2022 pour apporter des améliorations au panier de soin défini par le code de la sécurité sociale. Pour ce faire, un accord de méthode devra être adopté avec les partenaires sociaux.

Des avancées qui laissent perplexes

Un amendement porté collectivement par les syndicats (excepté la CGT) et qui visait à augmenter de 35 à 54 euros le montant de référence en matière de prévoyance (avec pour objectif d’augmenter mécaniquement la participation employeur fixée à 20% de ce montant), a été retoqué.

Pour la CFDT, qui s’est abstenue, les gages donnés par le gouvernement et par la Coordination des employeurs n’ont pas suffi. « L’abstention, c’était pour signifier que nous étions au milieu du gué. Le projet de décret est en demi-teinte, il a pris de la couleur, certes nous avons vu la volonté des employeurs, mais nous restons tout de même au milieu du gué », fait valoir Sophie Le Port, secrétaire nationale d’Interco CFDT.

Johann Laurency (FO), au contraire, se dit satisfait : « C’est la première fois qu’il y aura négociation entre les employeurs territoriaux et les syndicats sans que le gouvernement intervienne. Alors, assurément, on ne peut pas garantir le résultat, mais cela marque une véritable d’étape dans le dialogue de la territoriale ».

Les associations d’élus saluent le futur processus

Philippe Laurent, porte-parole de la Coordination des employeurs et président du CSFPT, a salué « un pas en avant qu’a constitué le travail commun important effectué entre les organisations syndicales et les employeurs territoriaux dans l’évolution de la « gouvernance » de la fonction publique territoriale : c’est la première fois que les employeurs s’investissent à ce point, en accord de méthode, avec les organisations syndicales. C’est un grand progrès pour le dialogue social, pour les agents et pour les employeurs. »

« Cette réforme représente l’opportunité d’une avancée sociale majeure au bénéfice des agents de la fonction publique territoriale », ont de leur côté commenté, dans un communiqué commun, France urbaine, l’ADF, l’APVF, l’AMF, l’AMRF, la FNCDG, Région de France et Intercommunalités de France. Les associations membres de la Coordination l’assurent, « les employeurs territoriaux, avec les organisations syndicales, entendent aller au-delà de ce qui constitue une première étape positive et se saisir de cette avancée sociale en poursuivant et en approfondissant l’ambition de cette réforme par la négociation collective ».

Pré-protocole en vue d’une négociation « historique »
Le document prévoit plusieurs axes :

  • Réformer les dispositions du décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011, notamment en vue de mettre en place des dispositifs solidaires ;
  • Déterminer un cadre de référence des futures négociations locales et de mise en œuvre de la réforme, dans le respect tant du dialogue social local que de la libre administration des collectivités territoriales ;
  • Approfondir ou compléter, si l’évolution des discussions en fait ressortir la nécessité, certaines dispositions du futur décret
  • Définir les conditions du mécanisme de revoyure et d’indexation s’agissant des montants de paniers de référence.

Pour mener cette vaste négociation nationale, il est prévu de composer :

  • Une délégation composée de trois membres représentant la Coordination des employeurs territoriales et dûment mandatée par celle-ci ;
  • Une délégation des représentants des organisations syndicales représentées au sein du CSFPT et ayant signé l’accord de méthode résultant du présent pré-accord.
  • Le calendrier des négociations nationales devrait aboutir aux termes d’un accord au plus tard au 1er trimestre 2023.

Article publié le 17/02/2022 sur le site de la Gazette des Communes par Émeline Le Naour